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En anglais, fossa signifie fosse et bury enterrer. Si le premier des éléments du nom de Fosbury, bien que s'appliquant au nez qu'il a d'ailleurs assez développé, rappelle assez bien sa qualité de sauteur, le second est un affront à son rôle de novateur. Fosbury n'enterre rien. Il découvre. Il a même découvert un style qui porte son nom : le Fosbury flop.
Nos amis britanniques dont te record national plafonne à 2,08 m doivent regretter aujourd'hui d'avoir laissé partir les premiers Fosbury qui, au début du siècle, émigrèrent aux États-Unis. Ceux-ci s'installèrent tout naturellement à Portland dans la Nouvelle Angleterre, où ils retrouvèrent des conditions climatiques identiques à celles qu'ils avaient quittées. Même constance dans la pluie et brèves interruptions pour faire place au brouillard. De ses ascendants, Dick a gardé le teint blanc, la timidité contenue et le maintient correct.
Il ne quitte tout cela que lorsqu'il prend place sur un sautoir. A Mexico, sur tes terrains d'entraînement, il semblait presque encombré de sa trouvaille. C'est-à-dire qu'il répétait discrètement. Mais au moment du concours, on n'aura vu que lui sur le stade universitaire. Les poings fermés, comme pour lutter avec l'espace, il oscillait longuement sur ses deux appuis dans un curieux mouvement pendulaire avant de parvenir en rupture d'équilibre et de s'élancer.
Il sautait 1,62 m en ciseau à l'âge de 15 ans lorsqu'il découvrit fortuitement ce qui allait devenir son style personnel, la première fois qu'il essaya le " Fosbury Flop " en compétition, il fit passer son record personnel à 1,77 m. Cette progression de quinze centimètres, il l'a presque retrouvée en cette année olympique où il est passé de 2.10 m à 2.24 m. A ce niveau, c'est tout à fait remarquable et sans précédent. En Amérique, on considère généralement qu'il a apporté la plus grande révolution technique de ces dix dernières années.
Avec les Jeux, il prenait contact pour la première fois avec la grande compétition internationale. Cela ne l'a pas empêché de s'approprier le titre olympique. Auparavant, il n'était jamais sorti des " States " où il faut avoir franchi les 7 pieds (2.134 m) pour être pris en considération et obtenir un brevet d'exportation. A cette hauteur, il y est parvenu quelques mois seulement avant de s'attaquer sur le sautoir olympique au record du monde de Brumel (2,28 m) que l'on tenait pour un sommet inaccessible. C'était le jour anniversaire de ses 21 ans et il ne sait pas encore ce qui, de sa médaille d'or et de ces fameux 7 pieds, lui fit davantage plaisir.
John WARNER
SA PROGRESSION :
Âge |
Meilleure Perf |
Technique utilisée |
| 11 ans | 1 m 16 | Ciseau |
| 12 ans | 1 m 37 | " |
| 13 ans | 1 m 42 | " |
| 14 ans | 1 m 47 | " |
| 15 ans | 1 m 62 | " |
| 16 ans | 1 m 77 | Fosbury Flop |
| 17 ans | 1 m 91 | " " |
| 18 ans | 2 m | " " |
| 19 ans | 2 m 01 | " " |
| 20 ans | 2 m 10 | " " |
| 21 ans | 2 m 24 | " " |
A PROPOS DE FOSBURY :
Robert SAINTE-ROSE
Quelque peu déçu par sa dixième place à Mexico, Robert Sainte-Rosé, saturé de sauts, avait parlé de renoncer. Aujourd'hui, il a surmonté cette déception et déjà, il songe aux championnats d'Europe qui se dérouleront l'an prochain à Athènes... Quant à Dick Fosbury :
" Son titre olympique est mérité, mais je ne crois pas que sa méthode soit. D'une manière générale, celle de l'avenir... D'abord, parce qu'elle n'est pas valable pour tous les types d'athlètes et ensuite parce qu'il ne parvient pas lui-même à l'expliquer. A Mexico, nous avons passé une après-midi ensemble et jamais, malgré ses conseils, je ne suis parvenu à comprendre. De toute façon, le style ne me conviendrait absolument pas. "
" Disons qu'un type qui a une bonne impulsion peut "la piquer" et réussir mais - et je peux me tromper- ce n'est pas de cette manière qu'on arrivera à sauter le plus haut.. "
Arthur MAGAKIAN
A l'occasion d'une retransmission télévisée des championnats de France inter régions de gymnastique, l'entraîneur national Arthur Magakian, répondant à une interview, a donné lui aussi son opinion sur Fosbury.
" II aurait fait, je crois, un bon gymnaste, mais je crois surtout que les gymnastes feraient de bons sauteurs en hauteur. Je sais qu'un Américain, en faisant une sorte de roue, a déjà sauté 2,20 m et je suis sûr qu'en recherchant un style qui utiliserait le saut périlleux ou le saut de main, on pourrait franchir 2.50 m ! "
André DANIEL
L'entraîneur national des sauts, André Daniel, ne veut lui, donner que l'aspect technique de Fosbury :
" Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a un style qui lui convient très bien. Mais, a priori, son système ne saurait se généraliser. D'abord, je signale qu'il y a au moins cinq ans qu'il saute de cette manière et aux États-Unis, il n'a pas fait école. A Mexico, je n'ai vu qu'une pentathloniennie américaine sauter de cette façon ! C'est un style qui permet d'arriver plus vite sur la barre, il est donc réservé à des individus qui ont une impulsion, une détente très brèves. Mécaniquement, il faut avec ce style, porter le centre de gravité du corps plus haut que dans le style ventral pour franchir la barre et, de surcroît, il ne permet pas d'utiliser la jambe libre tendue. Toutes ces raisons font que je ne crois absolument pas à l'avenir de cette méthode. "
" Prenez un gosse qui saute 1,20 m en ciseau. Avec ce style, il gagnerait, après seulement deux séances 10 à 20 centimètres. Mais s'il consentait à apprendre le ventral, et là deux années sont nécessaires, il gagnerait encore bien plus. A ce propos, ce qui m'inquiète, c'est l'engouement provoqué par Fosbury chez les prof de gymnastique ; avec les fosses de réception que l'on trouve généralement dans les écoles, on va au-devant d'un nombre important d'accidents vertébraux. "
Comme le lui rappelle les propos d'Arthur Magakian à la télévision, André Daniel s'insurge :
" Je suis très sceptique. A Font-Romeu, nous avons tenté, ensemble, des expériences et cela n'a guère été concluant. Tous les gymnastes prennent leur appel à deux pieds alors que les règlements internationaux pour le saut en hauteur impliquent que l'appel soit pris sur un pied. Pour en revenir à Fosbury, je reste persuadé qu'avec ses qualités, il passerait plus haut en ventral, jusqu'à nouvel ordre, c'est le seul style qui permette de bien placer le centre de gravité ! "
Christian DUGARREAU
Il n'y a pas si longtemps, cinq ans à peine, Christian Dugarreau était l'un des meilleurs sauteurs en hauteur français. Champion de France en 1962, il avait su par son charme, son humour, sa franche cordialité gagner l'estime des athlètes et... des journalistes.
Retiré des compétitions, il travaille dans une grande entreprise de travaux publics, mais il garde des liens nombreux avec les milieux sportifs. Il a, bien sûr, suivi attentivement les Jeux et plus particulièrement la hauteur.
" Fosbury, et pourquoi pas ? Quelles que soient les applications d'avenir de son système, il aura par sa recherche fait avancer le saut en hauteur et c'est là l'essentiel... Maintenant, ('ajoute que je crois que c'est grâce au style dit ventral qu'on ira le plus haut, et les 2,50 m ne sont pas si loin... "
Un dernier avis
Le mot de la fin, nous le laisserons à Josyane, jeune et jolie fille de 17 ans, rencontrée à la Maison Pour Tous de Gennevilliers au lendemain de la victoire de Fosbury :
" Pour être drôle, c'est drôle, mais je ne vois pas une fille sauter de cette façon. Je trouve que c'est quelque peu disgracieux et l'esthétique, surtout dans le sport féminin si décrié, cela compte au moins autant que l'efficacité ! "
propos recueillis par Henri QUIQUERE
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